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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

danses nationales leur découvrent-ils les mœurs et le génie d’une contrée ? Suffit-il d’une seule sensation pour réveiller en eux une foule de souvenirs ?

La nature peut-elle être sentie par des hommes sans enthousiasme ? Ont-ils pu lui parler de leurs froids intérêts, de leurs misérables désirs ? Que répondroient la mer et les étoiles aux vanités étroites de chaque homme pour chaque jour ? Mais si notre âme est émue, si elle cherche un Dieu dans l’univers, si même elle veut encore de la gloire et de l’amour, il y a des nuages qui lui parlent, des torrents qui se laissent interroger, et le vent dans la bruyère semble daigner nous dire quelque chose de ce qu’on aime.

Les hommes sans enthousiasme croient goûter des jouissances par les arts ; ils aiment l’élégance du luxe, ils veulent se connoître en musique et en peinture, afin d’en parler avec grâce, avec goût, et même avec ce ton de supériorité qui convient à l’homme du monde, lorsqu’il s’agit de l’imagination ou de la nature ; mais tous ces arides plaisirs, que sont-ils à côté du véritable enthousiasme ? En contemplant le regard de la Niobé, de cette douleur calme et terrible qui