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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

n’a-t-il pas déjà valu à celui qui l’écrivit selon son cœur et comme un acte de son culte ! Que de larmes pleines de douceur n’a-t-il pas répandues dans sa solitude sur les merveilles de la vie, l’amour, la gloire, la religion ? enfin dans ses rêveries n’a-t-il pas joui de l’air comme l’oiseau, des ondes comme un chasseur altéré, des fleurs comme un amant qui croit respirer encore les parfums dont sa maîtresse est environnée ? Dans le monde on se sent oppressé par ses facultés, et l’on souffre souvent d’être seul de sa nature au milieu de tant d’êtres qui vivent à si peu de frais ; mais le talent créateur suffit, pour quelques instants du moins, à tous nos vœux ; il a ses richesses et ses couronnes, il offre à nos regards les images lumineuses et pures d’un monde idéal, et son pouvoir s’étend quelquefois jusqu’à nous faire entendre dans notre cœur la voix d’un objet chéri.

Croient-ils connoître la terre, croient-ils avoir voyagé ceux qui ne sont pas doués d’une imagination enthousiaste ? Leur cœur bat-il pour l’écho des montagnes ? l’air du midi les a-t-il enivrés de sa suave langueur ? Comprennent-ils la diversité des pays, l’accent et le caractère des idiomes étrangers ? Les chants populaires et les