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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

comme personne ne le nie, la plupart des faits transmis par les sens sont sujets à l’erreur, qu’est-ce qu’un être moral qui n’agit que lorsqu’il est excité par des objets extérieurs, et par des objets même dont les apparences sont souvent fausses ?

Un philosophe français a dit, en se servant de l’expression la plus rebutante, que la pensée n’étoit autre chose qu’un produit matériel du cerveau. Cette déplorable définition est le résultat le plus naturel de la métaphysique qui attribue à nos sensations l’origine de toutes nos idées. On a raison, si c’est ainsi, de se moquer de ce qui est intellectuel, et de trouver incompréhensible tout ce qui n’est pas palpable. Si notre âme n’est qu’une matière subtile mise en mouvement par d’autres éléments plus ou moins grossiers, auprès desquels même elle a le désavantage d’être passive : si nos impressions et nos souvenirs ne sont que les vibrations prolongées d’un instrument dont le hasard a joué, il n’y a que des fibres dans notre cerveau, que des forces physiques dans le monde, et tout peut s’expliquer d’après les lois qui les régissent. Il reste bien encore quelques petites difficultés sur l’origine des choses et le but de notre existence,