jours durer ? Pourquoi donc ont-ils aimé, si tant est que cela leur soit jamais arrivé, puisque la mort pouvoit les séparer des objets de leur affection ? Quelle triste économie que celle de l’âme ! elle nous a été donnée pour être développée, perfectionnée, prodiguée même dans un noble but.
Plus on engourdit la vie, plus on se rapproche de l’existence matérielle, et plus l’on diminue, dira-t-on, la puissance de souffrir. Cet argument séduit un grand nombre d’hommes, il consiste à tâcher d’exister le moins possible. Cependant il y a toujours dans la dégradation une douleur dont on ne se rend pas compte, et qui poursuit sans cesse en secret : l’ennui, la honte, et la fatigue qu’elle cause sont revêtues des formes de l’impertinence et du dédain par la vanité ; mais il est bien rare qu’on s’établisse en paix dans cette façon d’être sèche et bornée, qui laisse sans ressource en soi-même quand les prospérités extérieures nous délaissent. L’homme a la conscience du beau comme celle du bon, et la privation de l’un lui fait sentir le vide ainsi que la déviation de l’autre, le remords.
On accuse l’enthousiasme d’être passager ;