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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

l’admiration, à la gloire, à l’immortalité, pour éprouver l’inspiration du génie ; et ce qui fait la différence des siècles entre eux, ce n’est pas la nature toujours prodigue des mêmes dons, mais l’opinion dominante à l’époque où l’on vit : si la tendance de cette opinion est vers l’enthousiasme, il s’élève de toutes parts de grands hommes ; si l’on proclame le découragement comme ailleurs on exciteroit à de nobles efforts, il ne reste plus rien en littérature que des juges du temps passé.

Les événements terribles dont nous avons été les témoins ont blasé les âmes, et tout ce qui tient à la pensée paroît terne à côté de la toute-puissance de l’action. La diversité des circonstances a porté les esprits à soutenir tous les côtés des mêmes questions ; il en est résulté qu’on ne croit plus aux idées, ou qu’on les considère tout au plus comme des moyens. La conviction semble n’être pas de notre temps, et quand un homme dit qu’il est de telle opinion, on prend cela pour une manière délicate d’indiquer qu’il a tel intérêt.

Les hommes les plus honnêtes se font alors un système qui change en dignité leur paresse : ils disent qu’on ne peut rien à rien, ils répètent, avec