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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

Lorsque vous parlez à quelqu’un sur des sujets dignes d’un saint respect, vous apercevez d’abord s’il éprouve un noble frémissement, si son cœur bat pour des sentiments élevés, s’il a fait alliance avec l’autre vie, ou bien s’il n’a qu’un peu d’esprit qui lui sert à diriger le mécanisme de l’existence. Et qu’est-ce donc que l’être-humain, quand on ne voit en lui qu’une prudence dont son propre avantage est l’objet ? L’instinct des animaux vaut mieux, car il est quelquefois généreux et fier ; mais ce calcul, qui semble l’attribut de la raison, finit par rendre incapablede la première des vertus, le dévouement.

Parmi ceux qui s’essaient à tourner des sentiments exaltés en ridicule, plusieurs en sont pourtant susceptibles à leur insçu. La guerre, fut-elle entreprise par des vues personnelles, donne toujours quelques-unes des jouissances de l’enthousiasme ; l’enivrement d’un jour de bataille, le plaisir singulier de s’exposer à la mort, quand toute notre nature nous commande d’aimer la vie, c’est encore à l’enthousiasme qu’il faut l’attribuer. La musique militaire, le hennissement des chevaux, l’explosion de la poudre, cette foule de soldats revêtus des mêmes couleurs, émus parle même désir, se rangeant autour des mêmes ban-