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DE LA CONTEMPLATION DE LA NATURE.

les sucs ne puissent être empoisonnés, pas un souffle de l’air qui ne puisse rapporter avec lui une contagion funeste, et la nature semble une amante jalouse prête à percer le sein de l’homme au moment même où il s’enivre de ses dons.

Comment comprendre le but de tous ces phénomènes, si l’on s’en tient à l’enchaînement ordinaire de nos manières de juger ? Comment peut-on considérer les animaux sans se plonger dans l’étonnement que fait naître leur mystérieuse existence ? Un poëte les a nommés les rêves de la nature, dont l’homme est le réveil. Dans quel but ont-ils été créés ? Que signifient ces regards qui semblent couverts d’un nuage obscur, derrière lequel une idée voudroit se faire jour ? Quels rapports ont-ils avec nous ? Qu’est-ce que la part de vie dont ils jouissent ? Un oiseau survit à l’homme de génie, et je ne sais quel bizarre désespoir saisit le cœur quand on a perdu ce qu’on aime et qu’on voit le souffle de l’existence animer encore un insecte, qui se meut sur la terre d’où le plus noble objet a disparu.

La contemplation de la nature accable la pensée ; on se sent avec elle des rapports qui ne tiennent ni au bien ni au mal qu’elle peut nous faire ; mais son âme visible vient chercher la