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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

gnance ; on diroit que ces contours disgracieux, que ces images rebutantes rappellent la bassesse et la perfidie, quoique rien dans les analogies du raisonnement ne puisse expliquer une telle association d’idées. La physionomie de l’homme ne tient point uniquement, comme l’ont prétendu quelques écrivains, au dessin plus ou moins prononcé des traits ; il passe dans le regard et dans les mouvements du visage je ne sais quelle expression de l’âme impossible à méconnoître, et c’est surtout dans la figure humaine qu’on apprend ce qu’il y a d’extraordinaire et d’inconnu dans les harmonies de l’esprit et du corps.

Les accidents et les malheurs, dans l’ordre physique, ont quelque chose de si rapide, de si impitoyable, de si inattendu, qu’ils paroissent tenir du prodige ; la maladie et ses fureurs sont comme une vie méchante qui s’empare tout à coup de la vie paisible. Les affections du cœur nous font sentir la barbarie de cette nature qu’on veut nous représenter comme si douce. Que de dangers menacent une tête chérie ! Sous combien de métamorphoses la mort ne se déguise-t-elle pas autour de nous ! il n’y a pas un beau jour qui ne puisse recéler la foudre, pas une fleur dont