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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

surtout en Allemagne, tend toujours vers ce qu’il y a de plus abstrait : il faut, dans l’esprit de parti, saisir le point de vue de la rnultitude pour s’y placer ; les Allemands ne pensent qu’à la théorie, et dut-elle se perdre dans les nuages, ils l’y suivront. L’esprit de parti excite dans les hommes de certaines passions communes qui les réunissent en masse. Les Allemands subdivisent tout à force d’expliquer, de distinguer et de commenter. Ils ont une sincérité philosophique singulièrement propre à la recherche de la vérité, mais point du tout à l’art de la mettre en œuvre. L’esprit de secte n’aspire qu’à convaincre ; l’esprit de parti veut rallier. L’esprit de secte se dispute sur les idées ; l’esprit de parti veut du pouvoir sur les hommes. Il y a de la discipline dans l’esprit de parti, et de l’anarchie dans l’esprit de secte. L’autorité, quelle qu’elle soit, n’a presque rien à craindre de l’esprit de secte, on le satisfait en laissant une grande latitude à la pensée ; mais l’esprit de parti n’est pas si facile à contenter, et ne se borne point à ces conquêtes intellectuelles dans lesquelles chaque individu peut se créer un empire sans destituer un possesseur.

On est en France beaucoup plus susceptible de l’esprit de parti que de l’esprit de secte : on