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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

routes opposées que suivent, pour arriver à la vérité, les philosophes spiritualistes et les philosophes matérialistes. Les uns croient que c’est en se dérobant à toutes les impressions du dehors, et en se plongeant dans l’extase de la pensée, qu’on peut deviner la nature : les autres prétendent qu’on ne sauroit trop se garder de l’enthousiasme et de l’imagination dans l’examen des phénomènes de l’univers ; l’on diroit que l’esprit humain a besoin de s’affranchir du corps ou de l’âme pour comprendre la nature, tandis que c’est dans la mystérieuse réunion des deux que consiste le secret de l’existence.

Quelques savants en Allemagne affirment qu’on trouve dans les ouvrages de Jacob Bœhme des vues très-profondes sur le monde physique ; l’on peut dire au moins qu’il y a autant d’originalité dans les hypothèses des philosophes religieux sur la création que dans celles de Thalès, de Xénophane, d’Aristote, de Descartes et de Leibnitz. Les théosophes déclarent que ce qu’ils pensent leur a été révélé, tandis que les philosophes en général se croient uniquement conduits par leur propre raison ; mais puisque les uns et les autres aspirent à connoître le mystère des mystères, que signifient à cette hau-