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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

térieure dans le sein de l’homme, devoit exciter les esprits à s’exagérer le pouvoir de l’âme sur le corps ; les abus auxquels les doctrines les plus pures sont sujettes ont amené les visions, la magie blanche (c’est-à-dire celle qui attribue à la volonté de l’homme sans l’intervention des esprits infernaux la possibilité d’agir sur les éléments), toutes les rêveries bizarres enfin qui naissent de la conviction que l’âme est plus forte que la nature. Les secrets d’alchimistes, de magnétiseurs et d’illuminés s’appuient presque tous sur cet ascendant de la volonté qu’ils portent beaucoup trop loin, mais qui tient de quelque manière néanmoins à la grandeur morale de l’homme.

Non-seulement le christianisme, en affirmant la spiritualité de l’âme, a porté les esprits à croire à la puissance illimitée de la foi religieuse ou philosophique, mais la révélation a paru à quelques hommes un miracle continuel qui pouvoit se renouveler pour chacun d’eux, et quelques-uns ont cru sincèrement qu’une divination surnaturelle leur étoit accordée, et qu’il se manifestoit en eux des vérités dont ils étoient plutôt les témoins que les inventeurs. Le plus fameux de ces philosophes religieux c’est Jacob Bœhme,