Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
343
DE LA DOULEUR

quence ; et si vous n’en avez point abusé, sachez supporter l’envie, car une telle supériorité vaut bien les peines qu’elle peut faire éprouver.

Néanmoins, mon fils, je le crains, l’orgueil se mêle à vos peines, et voilà ce qui leur donne de l’amertume ; car toutes les douleurs qui sont restées humbles font couler doucement nos pleurs ; mais il y a du poison dans l’orgueil, et l’homme devient insensé quand il s’y livre : c’est un ennemi qui se fait son chevalier pour mieux le perdre.

Le génie ne doit servir qu’à manifester la bonté suprême de l’âme. Il y a beaucoup de gens qui ont cette bonté sans le talent de l’exprimer ; remerciez Dieu de qui vous tenez le charme de ces paroles faites pour enchanter l’imagination des hommes. Mais ne soyez fier que du sentiment qui vous les dicte. Tout s’apaisera pour vous dans la vie, si vous restez toujours religieusement bon, les méchants mêmes se lassent de faire du mal, leur propre venin les épuise, et puis Dieu n’est-il pas là pour avoir soin du passereau qui tombe, et du cœur de l’homme qui souffre ?

Vous dites que vos amis veulent vous trahir :