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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

et que les services même qu’on lui rendoÍt étoient des pièges : qu’auroit alors répondu à toutes ces plaintes l’homme d’esprit formé par la société ?

« Vous vous exagérez singulièrement, auroit-il dit, l’effet que vous croyez produire ; vous êtes sans doute un homme fort distingué, mais comme chacun de nous a pourtant des affaires et même des idées à soi, un livre ne remplit pas toutes les têtes ; l’événement de la guerre ou de la paix, et même de moindres intérêts, mais qui nous concernent personnellement, nous occupent beaucoup plus qu’un écrivain, quelque célèbre qu’il puisse être. On vous a exilé, il est vrai mais tous les pays doivent être égaux à un philosophe comme vous ; et à quoi serviroient donc la morale et la religion que vous développez si bien dans vos écrits, si vous ne saviez pas supporter les revers qui vous ont atteint ? Sans doute quelques personnes vous envient parmi vos confrères les hommes de lettres ; mais cela ne peut s’étendre aux classes de la société, qui s’embarrasse fort peu de la littérature ; d’ailleurs, si la célébrité vous importune réellement, rien de si facile que d’y échapper. N’écrivez plus, au bout de