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DE LA DOULEUR.

roit compter assez sur son âme pour ne pas craindre les frissonnements que la nature fait naître à l’aspect d’une mort atroce ? Une femme les a bravés, et bien qu’alors un coup funeste l’ait frappée, son dernier acte fut maternel ; c’est dans cet instant sublime qu’elle a paru devant Dieu, et l’on n’a pu reconnoître ce qui restoit d’elle sur la terre qu’au chiffre de ses enfants, qui marquoit encore la place où cet ange avoit péri. Ah ! tout ce qu’il y a d’horrible dans ce tableau est adouci par les rayons de la gloire céleste. Cette généreuse Pauline sera désormais la sainte des mères, et si leurs regards n’osoient encore s’élever jusqu’au ciel, elles les reposeront sur sa douce figure, et lui demanderont d’implorer la bénédiction de Dieu pour leurs enfants.

Si l’on étoit parvenu à tarir la source de la religion sur la terre, que diroit-on à ceux qui voient tomber la plus pure des victimes ? que diroit-on à ceux qui l’ont aimée ? et de quel désespoir, de quel effroi du sort et de ses perfides secrets l’âme ne seroit-elle pas remplie ?

Non-seulement ce qu’on voit, mais ce qu’on se figure foudroieroit la pensée s’il n’y avoit rien en nous qui nous affranchit du hasard. N’a-t-on