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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

extase vive et pure : les passions valent encore mieux, sous beaucoup de rapports, qu’une apathie servile, et rien ne peut les dompter qu’un sentiment profond, dont on doit peindre, si l’on le peut, les jouissances avec autant de force et de vérité qu’on en a mis à décrire le charme des affections terrestres.

Quoi que des gens d’esprit en aient dit, il existe une alliance naturelle entre la religion et le génie. Les mystiques ont presque tous de l’attrait pour la poésie et pour les beaux-arts ; leurs idées sont en accord avec la vraie supériorité dans tous les genres, tandis que l’incrédule médiocrité mondaine en est l’ennemie ; elle ne peut souffrir ceux qui veulent pénétrer dans l’âme ; comme elle a mis ce qu’elle avoit de mieux au dehors, toucher au fond, c’est découvrir sa misère.

La philosophie idéaliste, le christianisme mystique, et la vraie poésie ont, à beaucoup d’égards, le même but et la même source ; ces philosophes, ces chrétiens et ces poëtes se réunissent tous dans un commun désir. Ils voudroient substituer au factice de la société, non l’ignorance des temps barbares, mais une culture intellectuelle qui ramène à la simplicité par la perfection même des lumières ; ils voudroient