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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

on doit citer Tauler, avoient écrit sur la religion dans ce sens. Depuis Luther, les moraves ont manifesté cette disposition plus qu’aucune autre secte. Vers la fin du dix-huitième siècle Lavater a combattu avec une grande force le christianisme raisonné, que les théologiens berlinois avoient soutenu, et sa manière de sentir la religion est à beaucoup d’égards semblable à celle de Fénélon. Plusieurs poëtes lyriques, depuis Klopstock jusqu’à nos jours, ont dans leurs écrits une teinte de mysticisme. La religion protestante, qui règne dans le nord, ne suffit pas à l’imagination des Allemands, et le catholicisme étant opposé, par sa nature, aux recherches philosophiques, les Allemands religieux et penseurs doivent nécessairement se tourner vers une manière de sentir la religion qui puisse s’appliquer à tous les cultes. D’ailleurs l’idéalisme en philosophie a beaucoup d’analogie avec le mysticisme en religion ; l’un place toute la réalité des choses de ce monde dans la pensée, et l’autre toute la réalité des choses du ciel dans le sentiment.

Les mystiques pénètrent avec une sagacité inconcevable dans tout ce qui fait naître en nous la crainte ou l’espoir, la souffrance ou le bonheur ; et nul ne remonte comme eux à l’origine des