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DE LA MYSTICITÉ.

blesse de caractère pour l’humilité chrétienne, et rien n’en differe davantage. L’humilité chrétienne se prosterne devant les pauvres et les malheureux, et la foiblesse de caractère ménage toujours le crime parce qu’il est fort dans ce monde.

Dans les temps de la chevalerie, lorsque le christianisme avoit le plus d’ascendant, il n’a jamais demandé le sacrifice de l’honneur : or, pour les citoyens, la justice et la liberté sont aussi l’honneur. Dieu confond l’orgueil humain, mais non la dignité de l’espèce humaine, car cet orgueil consiste dans l’opinion qu’on a de soi, et cette dignité dans le respect pour les droits des autres. Les hommes religieux ont du penchant à ne point se mêler des choses de ce monde sans y être appelés par un devoir manifeste, et il faut convenir que tant de passions sont agitées par les intérêts politiques, qu’il est rare de s’en être mêlé sans avoir des reproches à se faire : mais quand le courage de la conscience est évoqué, il n’en est point qui puisse rivaliser avec celui-là.

De toutes les nations, celle qui a le plus de penchant au mysticisme c’est la nation allemande. Avant Luther, plusieurs auteurs, parmi lesquels