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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

sont conçus par ce qu’on a coutume d’appeler les mystiques, c’est-à-dire les chrétiens qui mettent l’amour dans la religion.

En lisant les œuvres spirituelles de Fénélon, qui pourroit n’être pas attendri ! Où trouver tant de lumières, tant de consolations, tant d’indulgence ? Il n’y a là ni fanatisme, ni austérités autres que celles de la vertu, ni intolérance, ni exclusion. Les diversités des communions chrétiennes ne peuvent être senties à cette hauteur qui est au-dessus de toutes les formes accidentelles que le temps crée et détruit.

Il seroit bien téméraire assurément celui qui se hasarderoit à prévoir ce qui tient à de si grandes choses : néanmoins j’oserai dire que tout tend à faire triompher les sentiments religieux dans les âmes. Le calcul a pris un tel empire sur les affaires de ce monde, que les caractères qui ne s’y prêtent pas sont naturellement rejetés dans l’extrême opposé. C’est pourquoi tous les penseurs solitaires, d’un bout du monde à l’autre, cherchent à rassembler, dans un même foyer, les rayons épars de la littérature, de la philosophie et de la religion.

On craint en général que la doctrine de la résignation religieuse, appelée dans le siècle der-