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DE LA MYSTICITÉ.

duisent sur l’âme, et il y a une égalité parfaite entre toutes les situations et toutes les destinées, non pas vues extérieurement, mais jugées d’après leur influence sur le perfectionnement religieux. Si chacun de nous veut examiner attentivement la trame de sa propre vie, il y verra deux tissus parfaitement distincts ; l’un qui semble en entier, soumis aux causes et aux effets naturels ; l’autre dont la tendance tout-à-fait mystérieuse ne se comprend qu’avec le temps. C’est comme les tapisseries de haute-lice, dont on travaille les peintures à l’envers, jusqu’à ce que mises en place on en puisse juger l’effet. On finit par apercevoir même dans cette vie pourquoi l’on a souffert, pourquoi l’on n’a pas obtenu ce qu’on désiroit. L’amélioration de notre propre cœur nous révèle l’intention bienfaisante qui nous a soumis à la peine ; car les prospérités de la terre auroient même quelque chose de redoutable, si elles tomboient sur nous après que nous nous serions rendus coupables de grandes fautes : on se croiroit alors abandonné par la main de celui qui nous livreroit au bonheur ici-bas, comme à notre seul avenir.

Ou tout est hasard, ou il n’y en pas un seul dans ce monde, et s’il n’y en a pas, le sentiment