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DE LA MYSTICITÉ.

mations sont faites à l’homme pour obtenir de lui cette résignation, la jeunesse, l’âge mûr et la vieillesse : heureux ceux qui se soumettent à la première !

C’est l’orgueil en toutes choses qui met le venin dans la blessure : l’âme révoltée accuse le ciel, l’homme religieux laisse la douleur agir sur lui, selon l’intention de celui qui l’envoie ; il se sert de tous les moyens qui sont en sa puissance pour l’éviter ou pour la soulager : mais quand l’événement est irrévocable, les caractères sacrés de la volonté suprême y sont empreints.

Quel malheur accidentel peut être comparé à la vieillesse et à la mort. Et cependant presque tous les hommes s’y résignent, parce qu’il n’y a point d’armes contre elles : d’où vient donc que chacun se révolte contre les malheurs particuliers, tandis que tous se plient sous le malheur universel ? C’est qu’on traite le sort comme un gouvernement à qui l’on permet de faire souffrir tout le monde, pourvu qu’il n’accorde de priviléges à personne. Les malheurs que nous avons en commun avec nos semblables sont aussi durs, et nous causent autant de souffrance que nos malheurs particuliers ; et cependant ils n’excitent presque jamais en nous la même rébellion. Pour-