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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

vent. Les hommes ont toujours cru que des justes pouvoient obtenir dans cette vie ou dans l’autre le pardon des criminels. Il y a dans le genre humain des idées primitives qui reparoissent plus ou moins défigurées dans tous les temps et chez tous les peuples. Ce sont ces idées sur lesquelles on ne sauroit se lasser de méditer, car elles renferment sûrement quelques traces des titres perdus de la race humaine.

La persuasion que les prières et le dévouement du juste peuvent sauver les coupables est sans doute tirée des sentiments que nous éprouvons dans les rapports de la vie, mais rien n’oblige, en fait de croyance religieuse, à rejeter ces inductions : que savons-nous de plus que nos sentiments, et pourquoi prétendroit-on qu’ils ne doivent point s’appliquer aux vérités de la foi ? Que peut-il y avoir dans l’homme que lui-même, et pourquoi, sous prétexte d’anthropomorphisme, l’empêcher de se former, d’après son âme, une image de la divinité ? Nul autre messager ne sauroit, je pense, lui en donner des nouvelles.

Le comte de Stolberg s’attache à démontrer que la tradition de la chute de l’homme a existé chez tous les peuples de la terre, et particulière-