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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

marche historique de l’esprit humain ; et les hommes qui paroissent en être les auteurs n’en sont jamais que les conséquences.

Le catholicisme, aujourd’hui désarmé, a la majesté d’un vieux lion qui jadis faisoit trembler l’univers ; mais quand les abus de son pouvoir amenèrent la réformation, il mettoit des entraves à l’esprit humain ; et loin que ce fût par sécheresse de cœur qu’on s’opposoit alors à son ascendant, c’étoit pour faire usage de toutes les facultés de l’esprit et de l’imagination qu’on réclamoit avec force la liberté de penser. Si des circonstances toutes divines, et où la main des hommes ne se feroit sentir en rien, amenoient un jour un rapprochement entre les deux églises, on prieroit Dieu, ce me semble, avec une émotion nouvelle, à côté des prêtres vénérables qui, dans les dernières années du siècle passé, ont tant souffert pour leur conscience. Mais ce n’est sûrement pas le changement de religion de quelques hommes, ni surtout l’injuste défaveur que leurs écrits tendent à jeter sur la religion réformée, qui pourroit conduire à l’unité des opinions religieuses.

Il y a dans l’esprit humain deux forces très-distinctes, l’une inspire le besoin de croire, l’autre