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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

philosophiques en Allemagne depuis trente ans les a presque tous ramenés aux sentiments religieux. Ils s’en étoient un peu écartés, lorsque l’impulsion nécessaire pour propager la tolérance avoit dépassé son but ; mais en rappelant l’idéalisme dans la métaphysique, l’inspiration dans la poésie, la contemplation dans les sciences, on a renouvelé l’empire de la religion ; et la réforme de la réformation, ou plutôt la direction philosophique de la liberté qu’elle a donnée, a banni pour jamais, du moins en théorie, le matérialisme et toutes ses applications funestes. Au milieu de cette révolution intellectuelle, si féconde en nobles résultats, quelques hommes ont été trop loin, comme il arrive toujours dans les oscillations de la pensée.

On diroit que l’esprit humain se précipite toujours d’un extrême à l’autre, comme si les opinions qu’il vient de quitter se changeoient en remords pour le poursuivre, La réformation, disent quelques écrivains de la nouvelle école, a été la cause de plusieurs guerres de religion ; elle a séparé le nord du midi de l’Allemagne ; elle a donné aux Allemands la funeste habitude de se combattre les uns les autres, et ces divisions leur ont ôté le droit de s’appeler une nation. Enfin la