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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

tombeaux. Tous ceux qui sont présents à cet acte du culte savent quelle est la pierre qu’on doit placer sur leur cercueil, et respirent déjà le parfum du jeune arbre dont les feuilles et les fleurs se pencheront sur leurs tombes. C’est ainsi qu’on a vu, dans les temps modernes, une armée toute entière, assistant à ses propres funérailles, dire pour elle-même le service des morts, décidée qu’elle étoit à conquérir l’immortalité[1].

La communion des moraves ne peut point s’adapter à l’état social tel que les circonstances nous le commandent ; mais comme on a beaucoup dit depuis quelque temps que le catholicisme seul parloit à l’imagination, il importe d’observer que ce qui remue vraiment l’âme dans

  1. C’est à Saragosse qu’a eu lieu l’admirable scène à laquelle je faisois allusion, sans oser la désigner plus clairement. Un aide-de-camp du général français vint proposer à la garnison de la ville de se rendre, et le chef des troupes espagnoles le conduisit sur la place publique ; il vit sur cette place et dans l’église tendue de noir les soldats et les officiers à genoux, entendant le service des morts. En effet, bien peu de ces guerriers vivent encore, et les habitants de la ville ont aussi partagé le sort de leurs défenseurs.