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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

fermes et réguliers. Il en est de même de la croyance à certains principes, ce qui est fondé sur les préjugés inquiète, et l’on aime à voir la raison appuyer de tout son pouvoir les conceptions élevées de l’âme.

L’intelligence contient en elle-même le principe de tout ce qu’elle acquiert par l’expérience. Fontenelle disoit avec justesse qu’on croyait reconnaître une vérité la première fois qu’elle nous étoit annoncée. Comment donc pourroit-on imaginer que tôt ou tard les idées justes et la persuasion intime qu’elles font naître ne se rencontreront pas ? Il y a une harmonie préétablie entre la vérité et la raison humaine, qui finit toujours par les rapprocher l’une de l’autre.

Proposer aux hommes de ne pas se dire mutuellement ce qu’ils pensent, c’est ce qu’on appelle vulgairement garder le secret de la comédie. On ne continue d’ignorer que parce qu’on ne sait pas qu’on ignore ; mais du moment qu’on a commandé de se taire, c’est que quelqu’un a parlé ; et pour étouffer les pensées que ces paroles ont excitées, il faut dégrader la raison. Il a des hommes pleins d’énergie et de bonne foi qui n’ont jamais soupçonné telles ou telles vérités philosophiques ; mais ceux qui les savent et les dissi-