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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

qu’une puissance politique, attaquée ou défendue comme un intérêt de ce monde. Luther l’a rappelée sur le terrain de la pensée. La marche historique de l’esprit humain à cet égard, en Allemagne, est digne de remarque. Lorsque les guerres causées par la réformation furent apaisées, et que les réfugiés protestants se furent naturalisés dans les divers états du nord de l’Empire Germanique, les études philosophiques, qui avoient toujours pour objet l’intérieur de l’âme, se dirigèrent naturellement vers la religion, et il n’existe pas, dans le dix-huitième siècle, de littérature où l’on trouve sur ce sujet une telle quantité de livres que dans la littérature allemande.

Lessing, l’un des esprits les plus vigoureux de l’Allemagne, n’a cessé d’attaquer avec toute la force de sa logique cette maxime si communément répétée, qu’il y a des vérités dangereuses. En effet, c’est une singulière présomption dans quelques individus, de se croire le droit de cacher la vérité à leurs semblables, et de s’attribuer la prérogative de se placer, comme Alexandre devant Diogène, pour nous dérober les rayons de ce soleil qui appartient à tous également. Cette prudence prétendue n’est que la théorie du char-