ceptions près, il n’y avoit parmi les philosophes ni expérience ni inspiration. Un géant parut ; c’étoit Bacon : jamais les merveilles de la nature, ni les découvertes de la pensée, n’ont été si bien conçues par la même intelligence. Il n’y a pas une phrase de ses écrits qui ne suppose des années de réflexion et d’étude ; il anime la métaphysique par la connoissance du cœur humain, il sait généraliser les faits par la philosophie : dans les sciences physiques, il a créé l’art de l’expérience ; mais il ne s’ensuit pas du tout, comme on voudroit le faire croire, qu’il ait été partisan exclusif du système qui fonde toutes les idées sur les sensations. Il admet l’inspiration dans tout ce qui tient à l’âme, et il la croit même nécessaire pour interpréter les phénomènes physiques d’après des principes généraux. Mais, de son temps, il y avoit encore des alchimistes, des devins, et des sorciers ; on méconnoissoit assez la religion dans la plus grande partie de l’Europe pour croire qu’elle interdisoit une vérité quelconque, elle qui conduit à toutes. Bacon fut frappé de ces erreurs ; son siècle penchoit vers la superstition comme le nôtre vers l’incrédulité : à l’époque : où vivoit Bacon, il devoit chercher à mettre en honneur la philosophie expérimentale ;
Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/29
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
DE LA PHILOSOPHIE ANGLAISE.