Tous les sacrifices de l’intérêt personnel viennent du besoin de se mettre en harmonie avec ce sentiment de l’infini dont on éprouve tout le charme, quoiqu’on ne puisse l’exprimer. Si la puissance du devoir étoit renfermée dans le court espace de cette vie, comment donc auroit-elle plus d’empire que les passions sur notre âme ? Qui sacrifieroit des bornes à des bornes ? Tout ce qui finit est si court, dit saint Augustin, les instants de jouissance que peuvent valoir les penchants terrestres, et les jours de paix qu’assure une conduite morale, différeraient de bien peu, si des émotions sans limite et sans terme ne s’élevoient pas au fond du cœur de l’homme qui se dévoue à la vertu.
Beaucoup de gens nieront ce sentiment de l’infini, et certes ils sont sur un excellent terrain pour le nier, car il est impossible de le leur expliquer ; ce n’est pas quelques mots de plus qui réussiront à leur faire comprendre ce que l’univers ne leur a pas dit. La nature a revêtu l’infini des divers symboles qui peuvent le faire arriver jusqu’à nous : la lumière et les ténèbres, l’orage et le silence, le plaisir et la douleur, tout inspire à l’homme cette religion universelle dont son cœur est le sanctuaire.