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CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES, etc.

pour elle une jouissance au lieu d’être un poids. »

En effet, quand nous nous livrons en entier aux réflexions, aux images, aux désirs qui dépassent les limites de l’expérience, c’est alors seulement que nous respirons. Quand on veut s’en tenir aux intérêts, aux convenances, aux lois de ce monde, le génie, la sensibilité, l’enthousiasme agitent péniblement notre âme mais ils l’inondent de délices quand on les consacre à ce souvenir, à cette attente de l’infini qui se présente dans la métaphysique sous la forme des dispositions innées, dans la vertu sous celle du dévouement, dans les arts sous celle de l’idéal, et dans la religion elle-même sous celle de l’amour divin.

Le sentiment de l’infini est le véritable attribut de l’âme : tout ce qui est beau dans tous les genres excite en nous l’espoir et le désir d’un avenir éternel et d’une existence sublime ; on ne peut entendre ni le vent dans la forêt, ni les accords délicieux des voix humaines ; on ne peut éprouver l’enchantement de l’éloquence ou de la poésie ; enfin surtout, enfin on ne peut aimer avec innocence, avec profondeur, sans être pénétré de religion et d’immortalité.