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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

Enfin il reste encore une chose vraiment belle et morale, dont l’ignorance et la frivolité ne peuvent jouir ; c’est l’association de tous les hommes qui pensent, d’un bout de l’Europe à l’autre. Souvent ils n’ont entre eux aucune relation ; ils sont dispersés souvent à de grandes distances l’un de l’autre ; mais quand ils se rencontrent, un mot suffit pour qu’ils se reconnoissent. Ce n’est pas telle religion, telle opinion, tel genre d’étude, c’est le culte de la vérité qui les réunit. Tantôt, comme les mineurs, ils creusent jusqu’au fond de la terre pour pénétrer au sein de l’éternelle nuit les mystères du monde ténébreux ; tantôt ils s’élèvent au sommet du Chimboraço pour découvrir au point le plus élevé du globe quelques phénomènes inconnus ; tantôt ils étudient les langues de l’Orient pour y chercher l’histoire primitive de l’homme ; tantôt ils vont à Jérusalem pour faire sortir des ruines saintes une étincelle qui ranime la religion et la poésie ; enfin ils sont vraiment le peuple de Dieu ces hommes qui ne désespèrent pas encore de la race de l’espèce humaine, et veulent lui conserver l’empire de la pensée.

Les Allemands méritent à cet égard une reconfioissance particulière ; c’est une honte parmi eux que l’ignorance et l’insouciance sur tout ce qui