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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

théorie de la vertu est désintéressée ; ils n’admettent point cette doctrine de l’utilité, qui conduiroit, comme en Chine, à jeter les enfants dans le fleuve si la population devenoit trop nombreuse. Leurs ouvrages sont remplis d’idées philosophiques et d’affections mélancoliques et tendres ; mais ce n’étoit point assez pour lutter contre la morale égoïste, armée de l’ironie dédaigneuse. Ce n’étoit point assez pour réfuter les sophismes dont on s’étoit servi contre les principes les plus vrais et les meilleurs. La sensibilité douce, et quelquefois même timide des anciens moralistes allemands, ne suffisoit pas pour combattre avec succès la dialectique habile et le persiflage élégant, qui, comme tous les mauvais sentiments, ne respectent que la force. Des armes plus acérées sont nécessaires pour combattre celles que le vice a forgées : c’est donc avec raison que les philosophes de la nouvelle école ont pensé qu’il falloit une doctrine plus sévère, plus énergique, plus serrée dans ses arguments, pour triompher de la dépravation du siècle.

Certainement tout ce qui es simple suffit à tout ce qui est bon ; mais quand on vit dans un temps où l’on a tâché de mettre l’esprit du côté de l’immoralité, il faut tâcher d’avoir le génie pour