Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
247
DES ÉCRIVAINS MORALISTES, etc.

décrit avec une vérité déchirante. L’homme qui n’a plus la conscience de lui-même fait peur comme un corps qui marcheroit sans vie. « C est un arbre, dit Engel, dont les branches sont desséchées ; ses racines tiennent encore à la terre, mais déjà son sommet est atteint par la mort. » Un jeune homme, à l’aspect de ce malheureux, demande à son père s’il est ici-bas une plus affreuse destinée que celle de ce pauvre fou ? toutes les souffrances qui tuent, toutes celles dont notre propre raison est le témoin, ne lui semblent rien à côté de cette déplorable ignorance de soi-même. Le père laisse son fils développer tout ce que cette situation a d’horrible ; puis, tout à coup il lui demande si celle du criminel qui l’a causée n’est pas encore mille fois plus redoutable ? La gradation des pensées est très-bien soutenue dans ce récit, et le tableau des angoisses de l’âme est assez éloquemment représenté pour redoubler l’effroi que doit causer la plus terrible de toutes, le remords.

J’ai cité ailleurs le passage de la Messiade, où le poète suppose que dans une planète éloignée, dont les habitants étoient immortels, un ange venoit apporter la nouvelle qu’il existait