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DE LA DISPOSITION ROMANESQUE, etc.

ment ou par calcul, mais sans qu’il puisse jamais exister entre eux et nous aucune sympathie. En Allemagne, où l’on veut réduire en préceptes toutes les impressions, on a considéré comme immoral ce qui n’étoit pas sensible et même romanesque. Werther avoit tellement mis en vogue les sentiments exaltés, que presque personne n’eût osé se montrer sec et froid, quand même on auroit eu ce caractère naturellement. De là cet enthousiasme obligé pour la lune, les forêts, la campagne et la solitude ; de là ces maux de nerfs, ces sons de voix maniérés, ces regards qui veulent être vus, tout cet appareil enfin de la sensibilité, que dédaignent les âmes fortes et sincères.

L’auteur de Werther s’est moqué le premier de ces affectations ; néanmoins, comme il faut, qu’il y ait en tout pays des ridicules, peut-être vaut-il mieux qu’ils consistent dans l’exagération un peu niaise de ce qui est bon, que dans l’élégante prétention à ce qui est mal. Le désir du succès étant invincible dans les hommes, et encore plus dans les femmes, les prétentions de la médiocrité sont un signe certain du goût dominant à telle époque et dans telle société ; les mêmes personnes qui se