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DE WOLDEMAR.

Il me semble que Jacobi entend moins bien l’amour que la religion, parce qu’il veut trop les confondre ; il n’est pas vrai que l’amour puisse, comme la religion, trouver tout son bonheur dans l’abnégation du bonheur même. L’on altère l’idée qu’on doit avoir de la vertu, quand on la fait consister dans une exaltation sans but, et dans des sacrifices sans nécessité. Tous les personnages du roman de Jacobi luttent sans cesse de générosité aux dépens de l’amour ; non-seulement cela n’arrive guère dans la vie, mais cela n’est pas même beau quand la vertu ne l’exige pas ; car les sentiments forts et passionnés honorent la nature humaine, et la religion n’est si imposante que parce qu’elle peut triompher de tels sentiments. Auroit-il fallu que Dieu même daignât parler à notre cœur, s’il n’y avoit trouvé que des affections débonnaires auxquelles il fût si facile de renoncer ?