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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

tion ; néanmoins dans les questions les plus hautes il y a toujours un point de vue à la portée de tout le monde, et c’est celui-là que je me propose de saisir et de présenter.

Je demandois un jour à Fichte, l’une des plus fortes têtes pensantes de l’Allemagne, s’il ne pouvoit pas me dire sa morale plutôt que sa métaphysique. — L’une dépend de l’autre, me répondit-il. — Et ce mot étoit plein de profondeur : il renferme tous les motifs de l’intérêt qu’on peut prendre à la philosophie.

On s’est accoutumé à la considérer comme destructive de toutes les croyances du cœur ; elle seroit alors la véritable ennemie de l’homme ; mais il n’en est point ainsi de la doctrine de Platon, ni de celle des Allemands ; ils regardent le sentiment comme un fait, comme le fait primitif de l’âme, et la raison philosophique comme destinée seulement à rechercher la signification de ce fait.

L’égnime de l’univers a été l’objet des méditations perdues d’un grand nombre d’hommes, dignes aussi d’admiration, puisqu’ils se sentoient appelés à quelque chose de mieux que ce monde. Les esprits d’une haute lignée errent sans cesse autour de l’abîme, des pensées sans fin ; mais