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JACOBI.

Si vous voulez établir un système universel et rigoureusement scientifique, il faut que vous soumettiez la conscience à ce système qui a pétrifié la vie : cette conscience doit devenir sourde, muette et insensible ; il faut arracher jusqu’aux moindres restes de sa racine, c’est-à-dire du cœur de l’homme. Oui, aussi vrai que vos formules métaphysiques vous tiennent lieu d’Apollon et des Muses, ce n’est qu’en faisant taire votre cœur que vous pourrez vous conformer implicitement aux lois sans exception, et que vous adopterez l’obéissance roide et servile qu’elles demandent : alors la conscience ne servira qu’à vous enseigner, comme un professeur dans la chaire, ce qui est vrai au dehors de vous ; et ce fanal intérieur ne sera bientôt plus qu’une main de bois qui, sur les grands chemins, indique la route aux voyageurs. »

Jacobi est si bien guidé par ses propres sentiments, qu’il n’a peut-être pas assez réfléchi aux conséquences de cette morale pour le commun des hommes. Car, que répondre à ceux qui prétendroient, en s’écartant du devoir, qu’ils obéissent aux mouvements de leur conscience ? Sans doute on pourra découvrir qu’ils sont hypocrites