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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

nos passions ? Un penseur allemand a dit qu’il n’y avoit d’autre philosophie que la religion chrétienne, et ce n’est certainement pas pour exclure la philosophie qu’il s’est exprimé ainsi, c’est parce qu’il étoit convaincu que les idées les plus hautes et les plus profondes conduisoient à découvrir l’accord singulier de cette religion avec la nature de l’homme. Entre ces deux classes de moralistes, celle qui, comme Kant et d’autres plus abstraits encore, veut rapporter toutes les actions de la morale à des préceptes immuables, et celle qui, comme Jacobi, proclame qu’il faut tout abandonner à la décision du sentiment, le christianisme semble indiquer le point merveilleux où la loi positive n’exclut pas l’inspiration du cœur, ni cette inspiration la loi positive. Jacobi, qui a tant de raisons de se confier dans la pureté de sa conscience, a eu tort de poser en principe qu’on doit s’en remettre entièrement à ce que le mouvement de l’âme peut nous conseiller ; la sécheresse de quelques écrivains intolérants, qui n’admettent ni modification ni indulgence dans l’application de quelques préceptes, a jeté Jacobi dans l’excès contraire.

Quand les moralistes français sont sévères, ils le sont à un degré qui tue le caractère individuel