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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

du cœur, se sont contentés d’affirmer que la morale consistoit dans l’harmonie avec soi-même. Sans doute, quand on n’a pas de remords, il est probable qu’on n’est pas criminel, et quand même on commettroit des fautes d’après l’opinion des autres, si d’après la sienne on a fait son devoir, on n’est pas coupable ; mais il ne faut pas se fier cependant à ce contentement de soi-même qui semble devoir être la meilleure preuve de la vertu. Il y a des hommes qui sont parvenus à prendre leur orgueil pour de la conscience ; le fanatisme est, pour d’autres, un mobile désintéressé qui justifie tout à leurs propres yeux : enfin l’habitude du crime donne, à de certains caractères, un genre de force qui les affranchit du repentir, au moins tant qu’ils ne sont pas atteints par l’infortune.

Il ne s’ensuit pas de cette impossibilité de trouver une science de la morale, ou des signes universels auxquels on puisse reconnoître si ses préceptes sont observés, qu’il n’y ait pas des devoirs positifs qui doivent nous servir de guides ; mais comme il y a dans la destinée de l’homme nécessité et liberté, il faut que dans sa conduite il y ait aussi l’inspiration et la règle ; rien de ce qui tient à la vertu ne peut être ni tout-à-fait