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DE LA MORALE SCIENTIFIQUE.

en affranchit, c’est notre âme, c’est la sincérité de notre amour intime pour la vertu. La science de la morale n’enseigne pas plus à être un honnête homme, dans toute la magnificence de ce mot, que la géométrie à dessiner, ni la poétique à trouver des fictions heureuses.

Kant, qui avoit reconnu la nécessité du sentiment dans les vérités métaphysiques, a voulu s’en passer dans la morale, et il n’a jamais pu établir, d’une manière incontestable, qu’un grand fait du cœur humain, c’est que la morale a le devoir et non l’intérêt pour base ; mais, pour connoître le devoir, il faut en appeler à sa conscience et à la religion. Kant, en écartant la religion des motifs de la morale, ne pouvoit voir dans la conscience qu’un juge et non une voix divine, aussi n’a-t-il cessé de présenter à ce juge des questions épineuses ; les solutions qu’il en a données, et qu’il croyoit évidentes, n’en ont pas moins été attaquées de mille manières ; car ce n’est jamais que par le sentiment qu’on arrive à l’unanimité d’opinion parmi les hommes.

Quelques philosophes allemands ayant reconnu l’impossibilité de rédiger en lois toutes les affections qui composent notre être, et de faire une science pour ainsi dire de tous les mouvements