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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

suivante, a publié un livre très-profond sur l’examen des diverses morales considérées comme science. Il voudroit en trouver une dont tous les raisonnements fussent parfaitement enchaînés, dont le principe contînt toutes les conséquences, et dont chaque conséquence fît reparoître le principe ; mais jusqu’à présent il ne semble pas que ce but puisse être atteint.

Les anciens ont aussi voulu faire une science de la morale, mais ils comprenoient dans cette science les lois et le gouvernement : en effet, il est impossible de fixer d’avance tous les devoirs de la vie, quand on ignore ce que la législation et les mœurs du pays où l’on est peuvent exiger ; c’est d’après ce point de vue que Platon a imaginé sa république. L’homme entier y est considéré sous le rapport de la religion, de la politique et de la morale ; mais comme cette république ne sauroit exister, on ne peut concevoir comment, au milieu des abus de la société humaine, un code de morale, quel qu’il füt, pourroit se passer de l’interprétation habituelle de la conscience. Les philosophes recherchent la forme scientifique en toutes choses ; on diroit qu’ils se flattent d’enchaîner ainsi l’avenir, et de se soustraire entièrement au joug des circonstances ; mais ce qui nous