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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

roit même des plaisirs, quelque vulgaires qu’ils fussent, a la froide dignité de la raison ? Il faut commencer l’histoire de l’homme par la religion ou par la sensation, car il n’y a de vivant que l’une ou l’autre. La morale fondée sur l’intérêt personnel seroit aussi évidente qu’une vérité mathématique, qu’elle n’en exerceroit pas plus d’empire sur les passions qui foulent aux pieds tous les calculs ; il n’y a qu’un sentiment qui puisse triompher d’un sentiment, la nature violente ne sauroit être dominée que par la nature exaltée. Le raisonnement, dans de parails cas, ressemble au maître d’école de La Fontaine, personne ne l’écoute, et tout le monde crie au secours.

Jacobi, comme je le montrerai dans l’analyse de ses ouvrages, a combattu les arguments dont Kant se sert pour ne pas admettre le sentiment religieux comme base de la morale. Il croit au contraire que la divinité se révèle à chaque homme en particulier, comme elle s’est révélée au genre humain, lorsque les prières et les œuvres ont préparé le cœur à la comprendre. Un autre philosophe affirme que l’immortalité commence déjà sur cette terre pour celui qui désire et qui sent en lui-même le goût des