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DU PRINCIPE DE LA MORALE, etc.

casion il oublie qu’on pourroit faire une loi générale de ne sacrifier la vérité qu’à une autre vertu, car dès que l’intérêt personnel est écarté d’une question les sophismes ne sont plus à craindre, et la conscience prononce sur toutes choses avec équité.

La théorie de Kant en morale est sévère et quelquefois sèche, parce qu’elle exclut la sensibilité. Il la regarde comme un reflet des sensations, et comme devant conduire aux passions dans lesquelles il entre toujours de l’égoïsme ; c’est à cause de cela qu’il n’admet pas cette sensibilité pour guide, et qu’il place la morale sous la sauvegarde de principes immuables. Il n’est rien de plus sévère que cette doctrine ; mais il y a une sévérité qui attendrit alors même que les mouvements du cœur lui sont suspects et qu’elle essaie de les bannir tous : quelque rigoureux que soit un moraliste, quand c’est à la conscience qu’il s’adresse, il est sûr de nous émouvoir. Celui qui dit à l’homme : — trouvez tout en vous-même, — fait naître toujours dans l’âme quelque chose de grand qui tient encore à la sensibilité même dont il exige le sacrifice. Il faut distinguer, en étudiant la philosophie de Kant, le sentiment de la sensibilité ; il admet