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DU PRINCIPE DE LA MORALE, etc.

vos forces à vous rendre heureux, modérez votre caractère si vous le pouvez, de manière que vous n’éprouviez pas ces vagues désirs auxquels rien ne peut suffire, et, malgré toute cette sage combinaison de l’égoïsme, vous serez malade, vous serez ruiné, vous serez emprisonné, et tout l’édifice de vos soins pour vous-même sera renversé. —

L’on répond à cela : — Je serai si circonspect que je n’aurai point d’ennemis. — Soit, vous n’aurez point à vous reprocher de généreuses imprudences ; mais on a vu quelquefois les moins courageux persécutés. — Je ménagerai si bien ma fortune, que je la conserverai. — Je le crois ; mais il y a des désastres universels qui n’épargnent pas même ceux qui ont eu pour principe de ne jamais s’exposer pour les autres, et la maladie et les accidents de toute espèce disposent de notre sort malgré nous. Comment donc le but de notre liberté morale seroit-il le bonheur de cette courte vie, que le hasard, la souffrance, la vieillesse et la mort mettent hors de notre puissance ? Il n’en est pas de même du perfectionnement ; chaque jour, chaque heure, chaque minute peut y contribuer ; tous les événements heureux et malheureux y