Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/213

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
195
DE LA MORALE, etc.

térêts ; mais peut-être est-il vrai que jamais l’honnête homme, dans aucune occasion, n’a pu douter de ce que le devoir lui commandoit. La voix de la conscience est si délicate qu’il est facile de l’étouffer ; mais elle est si pure qu’il est impossible de la méconnoître.

Une maxime connue contient sous une forme simple toute la théorie de la morale : Fais ce que tu dois, arrive ce qui pourra. Quand on établit, au contraire, que la probité d’un homme public consiste à tout sacrifier aux avantages temporels de sa nation, alors il peut se trouver beaucoup d’occasions où par moralité on seroit immoral. Ce sophisme est aussi contradictoire dans le fond que dans la forme : ce seroit traiter la vertu comme une science conjecturale et tout-à-fait soumise aux circonstances dans son application. Que Dieu garde le cœur humain d’une telle responsabilité ! les lumières de notre esprit sont trop incertaines pour que nous soyons en état de juger du moment où les éternelles lois du devoir pourroient être suspendues, ou plutôt ce moment n’existe pas.

S’il étoit une fois généralement reconnu que l’intérêt national lui-même doit être subordonné aux pensées plus hautes dont la vertu se