Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
194
LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

telle qu’elle pouvoit s’exercer dans une république, étoit une noble vertu. La force d’inertie chrétienne est aussi une vertu, et d’une grande force ; car le christianisme qu’on accuse de foiblesse est invincible selon son esprit, c’est-à-dire dans l’énergie du refus ; mais l’égoïsme patelin des hommes ambitieux leur enseigne l’art de combiner les raisonnements opposés, afin de se mêler de tout comme un païen, et de se soumettre à tout comme un chrétien.

L’univers, mon ami, ne pense point à toi,


est ce qu’on peut dire maintenant à tout l’univers, les phénomènes exceptés. Ce seroit une vanité bien ridicule que de motiver dans tous les cas l’activité politique par le prétexte de l’utilité dont on peut être à son pays. Cette utilité n’est presque jamais qu’un nom pompeux dont on revêt son intérêt personnel.

L’art des sophistes a toujours été d’opposer les devoirs les uns aux autres. L’on ne cesse d’imaginer des circonstances dans lesquelles cette affreuse perplexité pourroit exister. La plupart des fictions dramatiques sont fondées là-dessus. Toutefois la vie réelle est plus simple, l’on y voit souvent les vertus en combat avec les in-