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DE LA MORALE, etc.

monarques ont rendu pour ainsi dire la politique toute négative. Il s’agit de ne pas se nuire les uns aux autres, et legouvernement est chargé de cette haute police qui doit permettre à chacun de jouir des avantages de la paix et de l’ordre social, en achetant cette sécurité par de justes sacrifices. Le divin législateur des hommes commandoit donc la morale la plus adaptée à la situation du monde sous l’empire romain, quand il faisoit une loi du paiement des tributs et de la soumission au gouvernement dans tout ce que le devoir ne défend pas ; mais il conseilloit aussi avec la plus grande force la vie privée.

Les hommes qui veulent toujours mettre en théorie leurs penchants individuels confondent habilement la morale antique et la morale chrétienne ; — il faut, disent-ils, comme les anciens, servir sa patrie, n’être pas un citoyen inutile dans l’état ; — il faut, disent-ils, comme les chrétiens, se soumettre au pouvoir établi par la volonté de Dieu. — C’est ainsi que le mélange du système de l’inertie et de celui de l’action produit une double immoralité, tandis que pris séparément, l’un et l’autre avoient droit au respect. L’activité des citoyens grecs et romains,