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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

tous les instants le devoir est impératif, les combinaisons de l’esprit sur les suites qu’on peut prévoir n’y doivent entrer pour rien.

De quel droit des hommes qui étoient les instruments d’une autorité factieuse conservoient-ils le titre d’honnêtes gens parce qu’ils faisoient avec douceur une chose injuste ? Il eût bien mieux valu qu’elle eût été faite rudement, car il eût été plus difficile de la supporter, et de tous les assemblages le plus corrupteur, c’est celui d’un décret sanguinaire et d’un exécuteur bénin.

La bienfaisance que l’on peut exercer en détail ne compense pas le mal dont on est l’auteur en prêtant l’appui de son nom au parti que l’on sert. Il faut professer le culte de la vertu sur la terre, afin que, non-seulement les hommes de notre temps, mais ceux des siècles futurs en ressentent l’influence. L’ascendant d’un courageux exemple subsiste encore mille ans après que les objets d’une charité passagère n’existent plus. La leçon qu’il importe le plus de donner aux hommes dans ce monde, et surtout dans la carrière publique, c’est de ne transiger avec aucune considération quand il s’agit du devoir.