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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

ne font pas quatre, les plus profonds calculs de l’algèbre sont absurdes ; s’il y a dans la théorie un seul cas où l’homme doive manquer à son devoir, toutes les maximes philosophiques et religieuses sont renversées, et ce qui reste n’est plus que de la prudence ou de l’hypocrisie.

Qu’il me soit permis de citer l’exemple de mon père, puisqu’il s’applique directement à la question dont il s’agit. On a beaucoup répété que M. Necker ne connoissoit pas les hommes, parce qu’il s’étoit refusé dans plusieurs circonstances aux moyens de corruption ou de violence dont on croyoit les avantages certains. J’ose dire que personne ne peut lire les ouvrages de M. Necker, l’Histoire de la Révolution de France, le Pouvoir exécutif dans les grands États, etc., sans y trouver des vues lumineuses sur le cœur humain ; et je ne serai pas démentie par tous ceux qui ont vécu dans l’intimité de M. Necker, quand je dirai qu’il avoit à se défendre, malgré son admirable bonté, d’un penchant assez vif pour la moquerie, et d’une façon un peu sévère de juger la médiocrité de l’esprit ou de l’âme : ce qu’il a écrit sur le Bonheur des Sots suffit ce me semble pour le prouver. Enfin, comme il joignoit à toutes ses autres qualités celle d’être éminemment un