lui même qui seroit le plus décidé à en manquer voudroit encore avoir affaire à des dupes qui la conservassent. Mais quelle adresse d’avoir donné pour base à la morale, la prudence ! Quel accès ouvert à l’ascendant du pouvoir, aux transactions de la conscience, à tous les mobiles conseils des événements !
Si le calcul doit présider à tout, les actions des hommes seront jugées d’après le succès : l’homme dont les bons sentiments ont causé le malheur sera justement blâmé ; l’homme pervers, mais habile, sera justement applaudi. Enfin les individus ne se considérant entre eux que comme des obstacles ou des instruments, ils se haïront comme obstacles, et ne s’estimeront pas plus que comme moyens. Le crime même a plus de grandeur, quand il tient au désordre des passions enflammées, que lorsqu’il a pour objet l’intérêt personnel : comment donc pourroit-on donner pour principe à la vertu ce qui déshonoreroit même le crime[1] !
- ↑ Dans l’ouvrage de Bentham sur la législation, publié, ou plutôt illustré par M. Dumont, il y a divers raisonnements sur le principe de l’utilité, d’accord, à plusieurs égards, avec le système qui fonde la morale sur