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DE LA MORALE, etc.

et certes, il y a plus d’un contre mille à parier en faveur des succès du vice. — Mais, diront beaucoup d’honnêtes partisans de la morale fondée sur l’intérêt, cette morale n’exclut pas l’influence de la religion sur les âmes. — Quelle foible et triste part lui laisse-t-on ! Lorsque tous les systèmes admis en philosophie comme en morale sont contraires à la religion, que la métaphysique anéantit la croyance à l’invisible, et la morale le sacrifice de soi, la religion reste dans les idées, comme le roi restoit dans la constitution que l’assemblée constituante avoit décrétée. C’étoit une république, plus, un roi ; je dis de même que tous ces systèmes de métaphysique matérialiste et de moralité égoïste sont de l’athéisme, plus, un Dieu. Il est donc aisé de prévoir ce qui sera sacrifié dans l’édifice des pensées, quand l’on n’y donne qu’une place superflue à l’idée centrale du monde et de nous-mêmes.

La conduite d’un homme n’est vraiment morale que quand il ne compte jamais pour rien les suites heureuses ou malheureuses de ses actions, lorsque ces actions sont dictées par le devoir. Il faut avoir toujours présent à l’esprit, dans la direction des affaires de ce monde, l’enchaînement des causes et des effets, des moyens et du but ; mais